[30/07] Le cardinal Parolin aux jeunes français : le monde attend votre foi vivante (PODCAST🎧)



A Rome, le Cardinal Parolin encourage les 25-35 ans à être des signes courageux de la proximité de Dieu

Les jeunes pros (25-35 ans) chrĂ©tiens français avaient rendez-vous avec le Cardinal Pietro Parolin, secrĂ©taire d’État du Vatican, dans le cadre du JubilĂ© des Jeunes.

Cette gĂ©nĂ©ration, portĂ©e par des aspirations profondes sur la manière dont habiter concrètement leur vie personnelle, professionnelle et sociale, fait l’objet d’une attention particulière de l’Église, qui a lancĂ© il y a quelques annĂ©es le rĂ©seau « Santos Â». Ă€ travers plus de 400 initiatives Ă  travers la France, ces jeunes inventent de nouveaux chemins pour faire Église.

 

« Vous avez aujourd’hui la possibilité d’être des signes courageux de la proximité de Dieu… »

 

Qui est le Cardinal Parolin ?

Le cardinal Pietro Parolin est le Secrétaire d'État du Vatican depuis 2013. Né en 1955 en Italie, il a été ordonné prêtre en 1980. Diplômé en droit canonique, il a été nommé nonce apostolique dans plusieurs pays, dont le Venezuela. En tant que Secrétaire d'État, il joue un rôle clé dans la diplomatie vaticane et les relations internationales. Il est reconnu pour son engagement en faveur du dialogue interreligieux et de la paix. En 2018, il participe à la négociation d'un accord provisoire permettant une collaboration entre le Vatican et le gouvernement chinois. Plus récemment, il s'est engagé aux côtés du cardinal Pizzaballa pour proposer des solutions de paix en Israël et en Palestine.

 


Discours du Cardinal aux jeunes 25-35 français - mercredi 30 juillet 2025


Excellence, chers jeunes de France,

Je suis heureux de vous rencontrer alors que vous accomplissez votre pèlerinage jubilaire. Et je vous salue tous au nom de Sa SaintetĂ© le Pape LĂ©on XIV. Chers amis, c’est une belle opportunitĂ© qui vous est offerte pour raviver en vous le don de la foi, ici Ă  Rome, auprès des apĂ´tres Pierre et Paul et de tous ces tĂ©moins, parmi lesquels des jeunes, qui ont subi le martyre pour avoir choisi de rester fidèles Ă  JĂ©sus-Christ.

Le but de l’Église, en annonçant le Christ mort et ressuscitĂ©, est « d’aider l’homme sur le chemin du salut » (Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 69).

Telle est sa mission et la raison pour laquelle elle a le droit et le devoir de développer une Doctrine sociale pour former la conscience des hommes et les aider à vivre selon l’Évangile et à respecter la dignité humaine.

Un chrĂ©tien cohĂ©rent avec sa foi oriente tous les aspects de sa vie vers Dieu, en vivant selon son dessein de salut.  Ă€ plus forte raison, un jeune, comme chacun d’entre vous, a la possibilitĂ©, Ă  travers ses aspirations, ses dĂ©sirs et ses projets, de vivre sa foi de manière cohĂ©rente. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que vous avez aujourd’hui la possibilitĂ© d’être des signes courageux de la proximitĂ© de Dieu avec chaque homme et chaque femme de cette terre. Par votre existence, vous pouvez ĂŞtre non seulement une prĂ©sence, mais aussi : le levain qui rĂ©gĂ©nère le monde Ă  travers la foi en Dieu ; le sel qui donne goĂ»t Ă  la vie de l’homme Ă  travers l’espĂ©rance ; la lumière qui console les fatigues de la vie quotidienne Ă  travers la charitĂ©.

L’Église accompagne les chrĂ©tiens dans cet engagement. Cela concerne toutes les dimensions de la vie, telles que l’économie et le travail, en passant par la communication et la politique, et touche des thèmes tels que la communautĂ© internationale et les relations entre les cultures et les peuples. Le christianisme ne peut se rĂ©duire Ă  une simple dĂ©votion privĂ©e, car il implique une manière de vivre en sociĂ©tĂ© imprĂ©gnĂ©e de charitĂ©, c’est-Ă -dire d’amour de Dieu et du prochain qui n’est plus un ennemi mais un frère.

La charitĂ©, qui est un don de Dieu fait aux baptisĂ©s, est une « force capable de susciter de nouvelles voies pour affronter les problèmes du monde d’aujourd’hui et pour renouveler profondĂ©ment de l’intĂ©rieur les structures, les organisations sociales, les normes juridiques. Dans cette perspective, la charitĂ© devient charitĂ© sociale et politique : elle nous fait aimer le bien commun et conduit Ă  chercher efficacement le bien de toutes les personnes, considĂ©rĂ©es non seulement individuellement, mais aussi dans la dimension sociale qui les unit » (Compendium de la doctrine sociale de l’Église, n. 207).

C’est pourquoi l’Église ne peut rester en marge des réalités humaines et intervient par sa Doctrine pour éclairer les différents aspects de la société. Forte de son expérience du contact avec les personnes et les peuples, et surtout forte de l’enseignement du Christ, l’Église est un interlocuteur important pour défendre et donner la parole aux plus faibles, aux pauvres et à la planète menacée par la crise écologique.

Cette préoccupation de l’Église se manifeste dans des valeurs qui servent de base à l’action sociale. Tous ces principes ont un fondement évangélique et sont en accord avec la nature humaine, c’est-à-dire la loi naturelle que tous peuvent reconnaitre, même les non chrétiens, et que l’Église assume et défend. Je n’en citerai que quelques-uns :

La dignité de la personne humaine

a vie humaine est sacrée et sa dignité inviolable, indépendamment de l’âge, de l’état de santé, de la richesse ou de la condition sociale. Toute personne a droit à la vie depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. De plus, une vie digne implique la paix, qui est souvent menacée par la guerre et la violence.

La famille et la communauté

l’homme est un être social et a le droit de grandir en communauté. Le mariage et la famille, construite à partir de l’amour entre un homme et une femme, comme le dicte la nature, sont le fondement de la société.

La rĂ©conciliation

est une parole forte, qui présuppose deux sujets (individus ou peuples) en conflit. Mais le problème n’est pas tant l’existence du conflit lui-même qui, de fait, ponctue la vie des personnes, il est dans les modalités adoptées pour arriver à des solutions. C’est à ce niveau que se découvre l’importance d’éduquer à une culture de la paix et de développer des capacités à adopter des stratégies qui dépassent l’efficacité immédiate pour s’ouvrir aux parcours de la diplomatie. Ceux-ci nécessitent le dialogue et la confrontation pour parvenir à une juste solution où tous puissent être également vainqueurs, parce que réconciliés, c’est-à-dire ramenés à vivre la fraternité.

La Vérité

Il n’existe aucun ĂŞtre humain, ni mĂŞme aucun peuple qui soit supĂ©rieur Ă  un autre ĂŞtre humain ou Ă  un autre peuple. Mais tous sont Ă  la recherche de la vĂ©ritĂ©. C’est en elle que doivent s’enraciner des parcours de rĂ©conciliation, qui exigent de ne pas falsifier les nouvelles et les informations pour avantager sa propre position. A cet Ă©gard, les paroles de BenoĂ®t XVI adressĂ©es aux diplomates accrĂ©ditĂ©s près le Saint-Siège, en janvier 2006, sont Ă©loquentes : « Celui qui est engagĂ© pour la vĂ©ritĂ© ne peut pas ne pas refuser la loi du plus fort, qui vit de mensonge et qui, au niveau national et international, a tant de fois Ă©maillĂ© de tragĂ©dies l’histoire des hommes. Le mensonge se revĂŞt souvent d’une apparente vĂ©ritĂ©, mais en rĂ©alitĂ© il est toujours sĂ©lectif et tendancieux, orientĂ© de manière Ă©goĂŻste vers une instrumentalisation de l’homme et, en dĂ©finitive, vers sa soumission».

La justice

est le respect de la dignitĂ© et des droits d’autrui, dans le sens oĂą chacun doit respecter dans l’autre ce qui est en mĂŞme temps sien. La justice donne Ă  chacun ce qui lui est propre. Elle constitue la signification la plus profonde du lien et de la rencontre, parce qu’elle exige de procurer Ă  tous les moyens nĂ©cessaires pour vivre et pour vivre d’une manière digne. Dans la Lettre Encyclique Mense Maio de 1965, alors qu’il invitait Ă  prier pour la paix dans le monde, le Pape Paul VI rappelait que « la paix vĂ©ritable est celle fondĂ©e sur les bases solides et durables de la justice et de l’amour ; justice non moins rendue au plus faible qu’au plus fort ; amour qui retient loin les Ă©garements de l’égoĂŻsme, de manière Ă  ce que la sauvegarde des droits de chacun ne dĂ©gĂ©nère pas dans l’oubli ou la nĂ©gation du droit de l’autre ».

Outre la promotion de sa Doctrine sociale reçue du Christ, l’Église se met Ă©galement au service de l’humanitĂ© au niveau des relations internationales Ă  travers le Saint-Siège en tant que personnalitĂ© juridique souveraine de droit international. Elle exerce une intense activitĂ© diplomatique Ă  travers des relations tant bilatĂ©rales que multilatĂ©rales. Le Saint-Siège n’est cependant pas un acteur international semblable aux autres États. Ă€ leur diffĂ©rence, il ne dĂ©fend d’intĂ©rĂŞt ni temporel ni matĂ©riel, ses objectifs visant essentiellement Ă  protĂ©ger les communautĂ©s catholiques dans le monde, et Ă  dĂ©fendre et promouvoir les valeurs et les droits humains fondamentaux. Ses leviers d’action sont exclusivement ceux du dialogue et de la persuasion, sans recours possible aux outils de coercition ou de pression Ă  la disposition des États.

Autre particularitĂ©, le Saint-Siège est un sujet de droit international souverain qui veut demeurer Ă©tranger aux compĂ©titions temporelles que connaissent les autres États. Son impartialitĂ© est conforme Ă  sa mission spirituelle. Le Saint-Siège s’abstient de prendre parti entre les États en conflit, et aucun État ne peut espĂ©rer l’appui moral ou matĂ©riel du Saint-Siège, ce qui est parfois incompris. Le souci d’impartialitĂ© n’empĂŞche pas le Saint-Siège d’intervenir, s’il est sollicitĂ©, pour apporter de bons offices ou une mĂ©diation. On peut citer la mĂ©diation qu’il conduisit avec succès, au dĂ©but des annĂ©es quatre-vingt, entre l’Argentine et le Chili pour le règlement d’un grave conflit frontalier qui aurait pu dĂ©boucher sur une guerre fratricide. En effet, l’impartialitĂ© du Saint-Siège ne doit jamais ĂŞtre comprise comme un dĂ©sintĂ©rĂŞt ou une indiffĂ©rence, mais plutĂ´t comme une prĂ©sence qui recherche toujours la rĂ©conciliation et le dialogue afin que les controverses et les malentendus puissent ĂŞtre rĂ©solus Ă  partir d’un terrain d’entente entre les diffĂ©rentes parties concernĂ©es.

Le Siège Apostolique conduit aujourd’hui une action diplomatique très large : Ă  la date du 9 janvier dernier, on comptait cent quatre-vingts-quatre pays entretenant des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, en plus de la prĂ©sence d’un ReprĂ©sentant Pontifical RĂ©sident au Vietnam. C’est dans le cadre diplomatique que le Pape a reçu plus de trente Chefs d’États et de Gouvernements au Vatican en 2024. Plusieurs accords-cadre sur des questions prĂ©cises ont Ă©tĂ© Ă©tablis avec certains États, en vue d’une saine et bonne collaboration entre les Églises locales et les pouvoirs publics. C’est le cas notamment en de nombreux pays d’Afrique.

Dans le domaine multilatĂ©ral, le Saint-Siège est membre de quarante cinq organisations internationales. Il jouit, par exemple, du statut d’État Observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies et est aussi membre fondateur de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA).

A l’occasion de la Messe d’ouverture des travaux de la session de l’UNESCO, qui s’est tenue entre le 12 novembre et le 10 dĂ©cembre 1952, celui qui Ă©tait alors Nonce Apostolique en France, Angelo Giuseppe Roncalli, devenu ensuite le Pape Jean XXIII, prononça une homĂ©lie sur les finalitĂ©s de l’organisation et sur le sens de la prĂ©sence du ReprĂ©sentant Pontifical. Il s’est exprimĂ© en ces termes : « il nous plaĂ®t de penser que cette prĂ©sence de l’Observateur est un pas important sur le chemin de l’UNESCO. L’unitĂ© de l’Église catholique, diffuse dans le monde entier, est dĂ©jĂ  en soi un facteur d’agrĂ©gation des Etats dans une plus grande unitĂ© culturelle et politique […] Notre prĂ©sence se veut ĂŞtre quelque chose de sĂ©rieux, d’encourageant, qui incite Ă  ĂŞtre constructifs. […] Nous nous voyons vraiment introduits dans le flux de l’histoire : non pour le supporter, ni pour nous laisser emporter, mais pour le guider et le diriger vers le Salut et non vers le naufrage du monde Â»[1].

En vĂ©ritĂ©, la diplomatie pontificale, au sens large et non gĂ©nĂ©rique, est une forme exigeante de la charitĂ©, mĂŞme si l’évocation exorbitante dudit “esprit de service” rĂ©sonne parfois Ă  notre oreille comme une expression de rhĂ©torique. De fait, la diplomatie est une activitĂ© qui postule toujours un supplĂ©ment de gratuitĂ©, dans la mesure oĂą elle comporte un engagement concret Ă  prĂ©parer les conditions d’une rĂ©ponse, qui n’est pas seulement occasionnelle, aux besoins qui Ă©mergent. Il s’agit donc d’organiser la rĂ©ponse en disposant les moyens et les structures qui pourront correspondre de manière stable aux nĂ©cessitĂ©s.

Je terminerai en citant les paroles de Madeleine DelbrĂŞl sur la corrĂ©lation entre espĂ©rance, paix et mission de l’Église, dans laquelle s’inscrit aussi le service pour la paix de la diplomatie vaticane : « L’espĂ©rance chrĂ©tienne nous donne comme place cette Ă©troite ligne de crĂŞte, cette frontière oĂą notre vocation exige que nous choisissions, chaque jour et Ă  chaque heure, d’être fidèles Ă  la fidĂ©litĂ© de Dieu pour nous. Sur la terre, ce choix ne peut ĂŞtre que dĂ©chirant. Mais l’espĂ©rance nous interdit d’en faire jamais un dolorisme. C’est la souffrance de la femme qui met un enfant au monde. Chaque fois que nous sommes ainsi dĂ©chirĂ©s, nous devenons comme des brèches ouvertes dans la rĂ©sistance du monde. Nous cĂ©dons la place Ă  la vie de Dieu. Rien ne peut mieux nous introduire dans la rĂ©alitĂ© intime de l’Eglise Â»[2].

[1] A. G. RONCALLI, Souvenirs d’un Nonce, Cahiers de France (1944-1953), Rome, 1963, pp. 110-112.

[2] Madeleine DELBRĂŠL, Nous autres, gens des rues, Livre de vie, 1966.


 

 


PORDCAST - reécouter l'intervention du Cardinal Parolin


Le christianisme n’est pas une dévotion privée : c’est un mode de vie, un engagement. Ce podcast reprend l’adresse inspirante du cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État du Vatican, aux jeunes pros de France, en pèlerinage à Rome dans le cadre du Jubilé des Jeunes de 2025. Doctrine sociale, diplomatie du Saint-Siège, espérance chrétienne… une vision puissante et concrète pour les jeunes croyants d’aujourd’hui.

00:00 • Allocution

22:27 • À travers votre parcours, vous avez pris de nombreuses responsabilités sur des plans très concrets (diplomatie, organisation du conclave, etc.). Comment avez-vous fait pour articuler ces problématiques très humaines avec votre vie spirituelle et l'enseignement de l'Église ? Plus largement, quels enseignements tirez-vous sur la manière dont on peut se laisser guider par l'Esprit Saint lorsqu'on est face à de grandes décisions dans les responsabilités qui sont les nôtres ?

29:25 • Votre fonction vous a donné l'occasion d'observer l'Église dans de nombreux contextes. Selon vous quels sont les grands défis et les grands trésors qui marquent l’Église en France ?

41:30 • En tant que collaborateur privilégié du pape, vous êtes un instrument important au service de l'unité de l’Église. Quelles sont les clés pour veiller à cette unité à votre échelle, à notre échelle ?

48:51 • Vous avez en face de vous quelques 2500 jeunes pros : qu’attendez-vous ou qu’espérez-vous d'eux ?